A l’aube d’un samedi estival, il faisait sombre à 4h30 et
les nuages couvraient encore le ciel. Je m’étirais comme un chat, faisant
quelques exercices et échauffement des articulations au lit, je prenais tout
mon temps pour savourer de ce week-end très prometteur, et très enthousiaste
pour emmener d’autre nouveaux venus pour une escapade extra ordinaire.
Dans mes
pensées, il tortillait des imaginations tout le long du parcours, en faisant
des visualisations sur tout ce qui peut nous arriver. Tout en savourant nos
dernières aventures de l’année dernière.
De par mes expériences de la précédente édition, j’étais
plus que rassuré sur la conduite à faire, les préparations physiques et
morales.
Eh Hop, je me suis levé du bon pied pour entamer une superbe
journée dans la nature.
Tous me préparatifs de la veille étaient déjà prêts, tels
que les équipements, sucreries, poche d’eau, sacoche, biscuits, fruits secs,
baume, téléphones bien chargés et mon
incontournable reflex … qui m’attendaient sagement étalés sur la table de ma
cuisine, un lieu discret et insonore pour ne pas réveiller toute la famille de
mon lève-tôt et de mon brouhaha matinal.
Notre Club de randonnée Randô du Val projetait ce samedi
là, la première étape de la
préparation de l’UTOP 2013. Cette
épreuve annuelle prévue au début Mai mérite une bonne préparation morale,
psychologique et physique … un trajet de trail montagneux, parcourant les
vallées, le long des rizières, les tahala, les vatolampy, les petites forêts,
les sentiers battus et souvent accidentés promettant des longues montées et
descentes. Le parcours mesure en tout 60Km, en partant de Mantasoa, avec un
passage obligé sur la pointe de la montagne d’Angavokely et se terminant à
Ambatobe.
Comme j’avais indiqué auparavant, le club a une stratégie de
préparation en divisant le parcours en deux étapes. Dès le 24 Février, Bika
notre Coach-Leader nous avait envoyé un mailing-list pour la tenue de ce fameux prélude, un
avant-goût pour le jour-J, Il avait mentionné que comme convenu, deux séances de reconnaissance du parcours de
l’UTOP seront prévues, tout en indiquant le détail du programme :
Départ 6h30 à Mahazo, le terminus du taxi-brousse en
direction de Mantasoa, pour un frais d’environ 3.500 Ar, et réellement le frais
était de 4.000 Ar.
Départ de la
randonnée prévue à 8h30, Effectivement, on l’avait commencé à 9h15 !
Parcours de l’Ermitage à Mantasoa, jusqu’à Carion, pour une
distance approximative de 32km,
Retour en Taxi-brousse de Carion à Mahazo : 1500 Ar
La première étape se déroule ce 02 Mars 2013, en faisant un
mi-parcours depuis Mantasoa, en passant par Andriambazaha et Mangarano, escaladant la montagne d’Angavokely, et
aboutissant la RN2
au niveau de la Commune
de Carion.
J’avais pris ma douche fraîche, tout en réchauffant mon
p’tit déj matinal, c’était du Vary sosoa sucré habituel, je l’entamais avec du
lait.
En mettant tout mon paquetage dans une vieille sacoche
marron, j’étais bien parti pour la longue randonnée.
Je voyais qu’il commençait à voir le jour, J’étais prêt à rejoindre
Serge qui habitait à de l’autre colline d’Analamanga, je sortais de ma maison,
j’avais laissé encore toute ma famille dans leur sommeil... Juste que mon fils
aîné Heritiana avait dû sortir de son lit chaud pour m’accompagner au portail.
Comme convenu, Serge m’attendait vers 6h, je lui ai bippé d’un coup pour qu’il soit
prévenu de mon départ, nous avions prévus d’être à mahazo avant 6h30, pour
rejoindre toute l’équipe. Sitôt arrivé à Betongolo, nous faisons nos
échauffements de muscle, en se rendant à pied Ampasampito , nous nous
étions embarqués dans un bus pour Mahazo, qui avait encore contourné Nanisana
et Ankerana pour rejoindre le terminus.
Tout retard est pénalisant, en mémoire de notre première
séance de préparation de l’année dernière, on était arrivé bien avant 6h00 du
matin au terminus, un taxi-brousse ne pouvait pas se remplir qu’à 9h du matin, un
week-end où les passagers se font rare, notre temps était gaspillé, et notre
vigueur matinale diminuait au fur et à mesure que la petite aiguille sautait
d’une heure.
Entre-temps, quatre membres étaient déjà sur place, et
avaient déjà leur billet en main,
j’avais contacté notre cousin Jocelyn, en lui demandant sa position, il
était encore sur l’embouteillage de Besarety, et ne tardait pas à nous
rejoindre aussi.
Arrivés sur le stationnement, nous avons tout de suite pris
3 billets, heureusement il restait encore 5 places, et si on ratait ce
Taxi-brousse, sûrement on attendrait 3h plus tard pour remplir un autre
Taxi-brousse.
Nous étions alors sept randonneurs sur le départ de cette
première séance de préparation, les uns possédaient déjà leur objectif de 60km,
d’autres hésitaient encore pour ne faire que la moitié de l’UTOP.
Equipes :
Ci-après la composition de cette expédition :
Lova l’unique
femme de cette entreprise, sportive et souriante, la jeunesse de l’esprit avec
ses écouteurs aux oreilles, musique du genre Slam de Sexion D’Assautt revenait
souvent dans ses playlist favoris.
Laisse-moi écrire ici quelques passages sur le lyrics qu’elle
m’avait fait entendre à Carion, en attendant son cher mari :
« Ça m'touche mais j'reste debout
J'suis touché je reste debout
J'essaie de joindre les deux bouts
Ça fait mal mais j'reste debout
Ça m'touche mais j'reste debout
J'suis touché je reste debout
Mes vêtements sont plein de boue
Ça fait mal mais j'reste debout »
Très déterminée d’aller
jusqu’au bout, avec ses expériences sportives au Lycée d’Ambatobe, elle n’avait
rien à rougir d’être seule parmi les hommes. Avec ses allures athlétiques et
son aisance naturelle, elle a tous les atouts pour l’aventure... A la tombée de
la nuit, elle était si fière de raconter à son époux Rado, qu’elle a eu une
journée formidable pas comme les autres, pleine de surprise et de
rebondissement.
Bika le meneur
et fondateur du club, ne ménageait pas tous ses efforts pour faire profiter ses
amis de l’ambiance de groupe, du culte du Randô sportif, et de ses airs bon
enfant pour encourager ses potes. Il prodiguait mille conseils pour subvenir à
tout, généreux, tolérant et disponible, il aime faire partager ses expériences
de randonneurs pédestres, ou même d’autres passions dans d’autres domaines.
Pour
lui, marcher, courir et parcourir dans les grandes natures n’est pas seulement un
simple mode de vie, mais une nécessite pour son entretien corporelle et sûrement
pour son bien être. Ce talentueux leader, tendait la main, et possédait une
grande souplesse dans la conduite de son brebis … galleux, euhh ! Je veux
dire capricieux !
Tafita le
robocop, il est une référence en termes de modestie et d’humilité, pas trop
bavard, par contre ses pas en disent long. Pour être le lièvre, il emboîtait le
rythme, une démarche à tête et poitrine relevées, d’un pas moyen, régulier et
rapide, il assurait et … cette fois-ci son compagnon habituel Sylvain n’était
pas de la liste, en connaissant par cœur le chemin, il préférerait rester.
Tafita avait aussi cette intention de rester à la maison, mais Bika l’avait
demandé d’accompagner cette épreuve de reconnaissance.
Il est un peu particulier, notre ami Tafita, il ne portait
pas de sacoches, pas de régime alimentaire, juste son pull à la hanche et une
bouteille d’eau plate ! Peut-être qu’il a un secret pour se tenir sans presque
manger et boire peu? J’ai pu comprendre quelque chose, peut-être en étant
libre, il peut aider les autres à emporter leurs fardeaux ?
Miko le jeune de 58 ans au cœur tendre, 27 ans dans
la marine marchande, il émerveille l’ambiance par ses connaissances des grandes
villes du monde, en particuliers tous les grands ports et les golfes du monde
lui sont familiers, un peu bavard et pas avare de récits sur sa vie, ses
voyages et beaucoup d’autres sujets plus subtils. C’est aussi un amoureux de
grand air.
Il est épatant par ses lourdes paires de rangers et toujours
en blue jean, fidèle à ses lunettes noires même dans les poses photo, ce
gars avait perdu dans un accrochage de
voyou sa casquette Randô du Val d’UTOP
2012, confectionné par l’époux Bika-Patricia pour l’occasion. Dans une ruelle
d’Ambatomitsangana, il a été tenu en échec par 3 hommes et une femme muni
d’arme blanche, combattant à poing fermés, Il a fait fuir les malfrats.
Serge, le
photographe et animateur de sujets, quand on ne l’entendait pas, sûrement, il devait
être occupé à prendre des clichés. Il a toujours cet œil de Lynx qui lui permet
d’immortaliser des scènes hors du commun, d’ailleurs cette passion lui a valu
un renom légendaire pour fermer le peloton.
Apparemment lourd, mais visiblement dynamique, Serge animait
par ses humours francs et parfois un peu salés ;-) D’un cran fort malgré
les difficultés à surmonter, il continuait la route disait-il tant qu’il a les
sourires et les humours aux lèvres.
Jocelyn est le
type silencieux et efficace, il reflète l’humilité dans ses démarches, ses
propos inondaient de lumière. D’une carrure petite comme la mienne, Il possédait
une persévérance insoupçonnée, même dans
ses tendinites accentuées, il arrive à souffrir sans plaindre.
Sensationnel avec ses brodequins de ville,
Bika le surnommait le playboy de la
série, toute l’équipe le saluait avec ses paires de chaussures à premières vues
inappropriées mais qui lui conviennent à merveille, quand il doit répondre sur
son choix après les commentaires, humblement il répondait : « faute
de mieux … »
Miary, je laisse
à mes amis le soin de me faire la description, s’ils le veulent ! De toute
façon, j’ai assez parlé dans ces interminables lignes.
Normalement, le trail de 60km doit se faire tantôt en marche
et souvent en petite foulée, et puisque
notre club est plutôt randonneur, qui favorise le côté sport, la culture
et l’ambiance de groupe dans les randonnées pédestres, plutôt que le culte de
la vitesse, où le gain de temps l’emporte sur le bien-être.
Nous avons misé sur
des longues marches soutenues et continues, une technique qui parait profitable
pour assurer 60km à moindre usure, cette tactique consiste à établir la moindre
dénivellation possible sur le rythme cardiaque, c'est-à-dire éviter autant que
possible les fortes fluctuations des pulsations, autrement dit, on s’amusait à
parler d’avoir un bon rapport sur le régime de notre moteur … cardiaque !
De nos performances et de nos habitudes, on arrivait à
courir 10 à 15 km
au plus sans interruption, sur un circuit adapté, mais de-là à faire 60 km en courant c’est
purement un moyen de se faire massacrer, du moins pour nous amateurs de
randonnées.
Bika portait un tee-shirt bleu spécial anti-transpiration,
qui ne mouillait presque pas de la sueur. Lunettes de soleil et casquette avec
queue au nuque si possible.
Il laissait ses paires de Salomon au profit d’une paire
tout-terrain Quechua, polyvalent dans les gravats, terre battue, s’accrochant
dans les moulures.
Du coup j’avais compris que ma casquette, lunettes de soleil
et mon short cycliste manquait à ma check-list.
Disposition :
On se disait souvent que seuls ceux qui n’ont rien à faire
arrivent à trouver des choses à faire.
Chacun a son rythme et même chacun a son propre drogue,
astuce pour ce faire, on parlait que les européens ont leur propre moyen pour
se doper, d’autant plus que nous aussi, nous avons nos fortifiants naturels
adaptés pour chacun.
Miko misait sur de l’eau de miel avant chaque montée.
Rado parlait des sucres rapides que l’on devrait prendre dix
minutes avant les grands efforts.
Bika instruisait une montée à la pointe des pieds pour
optimiser les montées des pentes, tout en réchauffant les muscles avec de
l’huile de katrafay, pour faire fuir les crampes. Et aimait repréter à chaque
randonnées qu’il ne faut jamais attendre la soif pour boire de l’eau, cette
fois-ci nos 1,5 litre
d’eau plate par personne ne suffisait plus, il nous a fallu remplir nos gourdes
par de l’eau de la fontaine avant la grande escalade d’Angavokely. On avait
pris des bananes et un peu de Coca.
Bika partageait les pâtes de bananes et barres céréalières, tout
en restant debout dans les pauses, une technique qui laisse toujours les
muscles en éveille et tout en les gardant au chaud.
Jocelyn aimait partager ses beignets sucrés et mofo gasy, et
s’amusait à enclencher le retardateur de son compact pour les photos de groupe.
Sûrement que d’autres photos, récits, témoignages et commentaires vont
rejoindre ce prélude d’écrits.
Lova partageait les raisins secs, étant habituée du canicule
fort des déserts de Djibouti, elle préférait mettre des tenues blanches.
Miko aimaient acheter des kilos de bananes pour lutter
contre les crampes et pour entretenir les besoins en magnésium.
Je distribuais les
pincées de sel pour éviter les crampes et compenser les repas salés manquants.
On se disait qu’on mangeait avant que le besoin se fait
sentir, on buvait avant qu’on ait soif. D’ailleurs, depuis que j’avais fait la
randonnée, j’avais pris une manie de
grignoter des sucreries, et boire beaucoup d’eau avant toute montée, le bonbon et
le bavardage est interdit durant l’escalade, ceux-ci coupaient le souffle.
Les courbatures étaient de loin mes soucis, vu que chaque
matin, avant ma bonne journée j’avais deux semaines avant trottinait une bonne
quinzaine de minute dans les hauteurs de la ville.
Ambiance :
C’était merveilleux de savoir la diversité de ce qu’on
ressentait, par exemple, chacun a son goût dans ce qu’ils écoutent :
De son iPod, Lova enchaînait les slam et Techno, et
reprenait fièrement les paroles.
Miko, avec les grands casques aux oreilles partageait ses
préférences musicales sur les rétros de Boston, Chicago ou Bee Gees …
Je décryptais les chants d’oiseau, des cours d’eau ou même
du vent
Jocelyn lui écoutait la voix de sa conscience !
Au cours du voyage, on se bavardait, on se rigolait, parfois on prenait des cannes pour nous appuyer
dans les montées et descentes. Les riverains nous saluaient avec ses sourires
candides et naturels, et souvent les gens pensaient que nous sommes assez fous
pour ne faire que ça, et justement on se
disait souvent, nous voilà les randonneurs qui ne trouvent pas d’autres choses
à faire que d’errer dans la nature et de s’user pour rencontrer d’autres formes
de vie.
Bien sûr que oui, on ne se plaint pas de nos caprices, de
nos hobbies ... d’ailleurs c’est quelque chose qu’on avait cherché, c’est pour
ça qu’on fait tout pour faire simple et moins contraignant possible. Les
plaintes et remords sont à proscrire dans nos vocabulaires.
Tard dans la nuit, un peu plus de 21h00, Rado vient de
pointer son nez avec sa fourgonnette blanche, Lova sursautait de joie pour
accueillir son mari de sauveur, tant attendu depuis l’arrivée à Carion.
Il emportait un jerrican d’essence pour la Polo bleue pour subvenir en
cas de besoin, les deux voitures faisaient caravane, silencieusement et
sereinement tout le long de la RN2,
comme un simple retour à la maison, en faisant comme s’il n’y avait rien été,
tout comme si c’était d’une journée ordinaire.
Avant de me déposer, Lova m’avait soufflé qu’elle est prête
pour la semi de 60km !
J’étais arrivé à 22h00 à la maison, toute la famille était déjà
au lit, tout comme je l’ai quittée à l’aube le matin. Et voilà encore que mon aîné
m’ouvrait le portail. Plus le temps de réchauffer de l’eau pour ma douche, tout
de suite j’ai hâte de prendre mon pommeau d’eau froide pour me rafraîchir avant
de me glisser sous mes draps.
Salutations sportives ;-)